vendredi 29 juin 2012

Dans le désert

Je viens de traverser cette semaine de la même façon que l'on traverse un long désert aride. La bouche sèche, le soleil de plomb qui rend difficile chaque mouvement, les nuits froides et opaques qui nous font sentir seuls au monde.

Un désert aride que seul le sommeil a pu vaincre. J'ai dormi, la nuit, le jour; j'ai dormi tant que j'ai pu, incapable du moindre mouvement. Le corps endolori, l'incapacité d'entreprendre quelque action ce soit, je me suis réfugiée dans mon lit en attendant que l'orage passe. J'ai voulu pleurer, mais rien n'est sorti. Alors j'ai dormi.

Le problème, c'est que, tout d'un coup, j'ai regardé devant moi. Il ne faut pas que je regarde devant moi. Quand je le fais, je ne vois pas d'issue, je me sens prise à la gorge. Financièrement, affectivement, professionnellement, toute le kit. Je me suis sentie seule, impuissante. Seule avec mon désespoir et cette douleur lancinante de savoir que je venais de m'embarquer dans une relation qui m'apporterait beaucoup d'incertitude, d'attente et d'angoisse (fucking équation A). En échange de quelques courts moments dans ses bras.

J'aurais dû prévoir le coup. J'ai pensé que j'étais plus forte, maintenant. Il faudrait quand même qu'il y ait un avantage à la trentaine: la sagesse. Mais je me suis trompée. Dès que je passe la nuit dans les bras d'un homme, j'ai mal les jours qui suivent. J'attends de ses nouvelles. J'attends, je rumine, je m'énerve, je me dis qu'il ne me redonnera pas de nouvelles, que je ne vaux rien, que je ne suis pas assez intéressante pour le retenir près de moi. Et puis je me fâche contre lui, je me dis qu'il est comme les autres (un pur salaud), alors que je le croyais différent, qu'il est comme les autres et que probablement il ne pense déjà plus à moi.

Je ne fais pas partie de sa vie. Je ne serai pour lui jamais autre chose qu'un divertissement occasionnel. Il me réserve ses journées vides, quand il n'a personne à voir. Vous savez, ces journées vides remplies de la seule certitude qu'on ne rencontrera personne. Celles-là, il veut bien les passer avec moi.

Et puis, à la force, je finis par me détester d'accorder autant d'importance à ce dont lui se fout éperdument, à savoir nous deux, ensemble. Mes pensées, ma vie entière, sont tendues vers cet unique et éphémère moment de rencontre, friable comme du papier parchemin trop usé, si fugitif qu'il en devient irréel. Je n'existe qu'à travers ces courts moments qui m'échappent de la même façon que le sable coule entre les doigts de la main lorsqu'on tente de le saisir.

Je n'existe qu'à travers des songes. Et le reste du temps, je rêve de ces songes. Aussi bien dire que mon existence ne repose que sur du vide, ou du moins sur un plancher de verre mince sous lequel s'étend un gouffre insondable.

Et je m'en veux chaque fois. Je voudrais être différente, être une autre.

J'aurai beau tout détruire autour de moi, casser toutes les assiettes de mes armoires, crier à tue-tête jusqu'à en perdre la voix; j'aurai beau courir jusqu'à ne plus sentir mes jambe, pleurer jusqu'à la nausée; le problème est que je serai toujours prise avec moi-même, "pognée" à souffrir à chacune de mes aventures. Je ne pourrai pas sortir de moi, prendre un break, me mettre de côté...

Je m'énerve moi-même.

Je suis censée le voir ce week-end, mais ma peur est si grande que je me demande si je ne devrais pas arrêter ça là.

mardi 26 juin 2012

La nuit de la Saint-Jean

Dimanche dernier, alors que tout le monde était occupé à taper des pieds et des mains sur fond de folklore québécois afin de bien ancrer en soi son identité sociale, moi j'apprenais à danser la salsa dans ma cuisine en compagnie de Monsieur Z.

Ma tête dans le creux de son bras, mon visage dans son cou, ma main sur son coeur, j'ai passé la nuit à écouter la pluie tomber et à espérer que l'aube n'allait pas se lever.

Les deux jours suivants, je suis restée dans mon lit, à essayer de garder vif en moi le souvenir de cette nuit improbable, si viscéralement attendue. Le nez enfoui dans mes couvertures, j'ai essayé de retrouver son odeur.

Et plus les jours passent, plus cette nuit magnifique se transforme en un songe volatile, dont je tente de récupérer la trace indélébile.

L'histoire sans fin d'un amour imaginaire - Partie 3 : L'anniversaire

Je vous avais dit que j'allais poursuivre cette fameuse histoire de Monsieur Z, mon amour imaginaire.

Quand je suis revenue de voyage, Monsieur Z m'a invitée à sa soirée d'anniversaire. C'était à la fin mars. Après avoir dansé jusqu'à la fermeture des bars, nous nous sommes retrouvés, seul à seule, dans sa chambre, à discuter de littérature. Nous étions assis sur son lit. Il m'a fait lire un poème de Verlaine. Je ne sais pas comment j'ai fait pour me maîtriser, mais bien qu'il m'ait invitée à dormir chez lui, je suis partie chez moi, dans le froid polaire de ce mois de mars.

Deux jours plus tard, j'ai provoqué la rupture entre mon ex (Monsieur M) et moi. J'ai compris que, pour me laisser aller dans la puissance d'un tel désir qui se développait dans une relation purement imaginaire, il fallait que je sois bien malheureuse dans ma relation réelle avec Monsieur M.

S'en sont suivis deux mois pénibles d'attente et de remises en question, que j'ai pratiquement passés au lit, incapable de quoi que ce soit d'autre. Entre l'insomnie et les crises d'angoisse à répétition, le désespoir a fini par avoir raison de moi, et j'ai bien cru que je n'allais jamais en émerger. Je n'arrivais même plus à m'accrocher à mon amour imaginaire pour rester à la surface; de toute façon, je ne faisais qu'attendre sans avoir de nouvelles. Il fallait que je passe à l'action, mais j'étais beaucoup trop fragile et vulnérable pour prendre le risque de me dévoiler.

Quoi qu'il en soit, cette soirée d'anniversaire, qui avait eu lieu dès mon retour de voyage, a été très révélatrice pour moi. Voici la lettre que j'avais écrite à Monsieur Z le lendemain de cette soirée (sans jamais la lui envoyer bien sûr) :

J’attends que ça passe, mais ça ne passe pas. Au contraire, ça s’amplifie.

Est-ce que tu le fais exprès ?

Ce que tu me fais, c’est cruel.

Je n’aurais pas dû danser avec toi, sentir ton corps si près du mien, si près. Je sens encore dans mon dos la chaleur de ta main, sur ma joue la caresse de la tienne. Sur mon corps la présence possible du tien. J’aurais voulu déposer ma main dans ton cou et te rapprocher de moi, encore plus, te sentir encore plus, juste te sentir.

Je ne sais pas si tu le fais exprès, mais moi, je souffre, et je n’en peux plus de te désirer autant.

D’avoir l’impression que tu m’envoies des signes, ambigus, si ténus que je n’ose pas les interpréter dans un sens qui me serait favorable.

C’est si dangereux, d’être dans ta chambre, avec toi. De m’avoir fait lire ce poème de Verlaine :

Green

Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête.
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

Pourquoi m’avoir fait lire ça ? Peut-on donner à lire ce poème à une fille assise sur son lit à 4 heures du matin tout en restant parfaitement indifférent à elle ? Est-ce seulement possible ? Si oui, c’est d’une cruauté innommable, et alors je ne te le pardonnerai pas. Tu joues avec le feu, ou tu es naïf.

Je suis confuse. Je voudrais que tu me le dises. Je. Te. Veux.

Je  voudrais que ce soit vrai.

Pourquoi m’avoir demandé de rester à dormir ? Pure formule de politesse, j’imagine. Mais sache que, moi, je n’aurais pas pu dormir dans ton lit, ni dans ton salon; je n’aurais pas su t’avoir si près de moi sans tenter l’impossible.

Je n’aurais pas su, sagement, garder mes distances.

C’était dangereux.

J’aurais tellement voulu me perdre dans l’irréalité de ce moment. Me laisser porter par la douceur de ta présence, t’embrasser, te caresser. Te dire à quel point je te désire.



jeudi 21 juin 2012

Canicule

Hier, c'était une journée pas comme les autres.

D'abord, on annonçait très chaud. Et la promesse a été tenue.

C'est ce matin-là que le grand frère que je n'ai jamais eu a choisi pour m'appeler, de sa contrée lointaine où le vin goûte bon. Appelons-le Monsieur A. Je dis grand frère parce que lorsque je me suis exilée dans son pays, il y a déjà plusieurs années, il a veillé sur moi comme un grand frère peut le faire. Depuis que je suis revenue à Montréal, la distance creuse un fossé entre nous. Mais souvent, il me manque. Ce qu'il y a de bien, avec Monsieur A, c'est qu'on peut parler de tout. Il a une façon de concevoir le monde qui dédramatise la détresse. Je n'ai pas su retrouver quelqu'un comme lui ici.

Et puis j'avais rendez-vous le soir même avec Monsieur Z. Oui, il m'a finalement écrit. Nous sommes allés marcher près du fleuve. Malgré la canicule, on y était bien : le vent dans les arbres, le bruit des feuilles, les pieds dans l'eau, la magnifique vue sur les lumières de Montréal par une chaude nuit d'été.  Et lui à côté de moi. Quand il est à côté de moi, le temps s'arrête.

Il ne veut pas se poser de questions. Moi non plus. Pourquoi se priver d'un moment de bonheur quand il s'offre à nous, sous prétexte qu'on ne sait pas ? La vérité, c'est qu'on ne peut pas savoir, et quand on pense savoir, on ne sait pas plus. La seule chose qui compte, c'est le présent.

Je n'ai jamais autant ressenti ce présent que lorsqu'il m'a embrassée. Ça a peut-être duré quinze minutes, ou deux heures, je ne me souviens plus.

Et j'ai eu très chaud.

mardi 19 juin 2012

Human nature

Soit les équations suivantes :


A. Doute + Ambiguïté + inexpliqué = [(flou + questionnements + constructions imaginaires + fébrilité + excitation) X souffrance] X 1000

B. Croyance + savoir + expliqué + achevé = [(satisfaction + léthargie + a-créativité) x Ennui] X 1000

Selon Charles S. Pierce, logicien de la fin du XIXe siècle, la pensée humaine vacille toujours entre deux pôles : le doute et la croyance. Le doute, c'est ce sentiment diffus qu'on ressent devant l'inexpliqué, devant un phénomène qu'on n'arrive pas saisir, à maîtriser. Cet état suscite souvent un besoin d'aller de l'avant, de créer des liens, des analogies à l'aide d'une construction tout à fait imaginaire afin de combler le manque que présente ce phénomène. On se situe alors dans une sorte d'entre-deux, dans l'inconnu, en zone d'inconfort, car nous ne savons pas, mais nous créons, à partir du peu d'indices dont on dispose. Si ce pôle est source d'excitation et de fébrilité, il est cependant source d'une souffrance permanente : l'état de non-savoir est insupportable pour l'humain. C'est pourquoi il construit, cherchant des réponses à ses questions.

La croyance survient quand on a réussi à résoudre l'inexpliqué. Le phénomène est achevé, on en connaît tous les liens, les causes et les effets; il devient alors un concept maîtrisé et prévisible. Tout est mis en lumière, il n'y a plus rien à chercher. Le phénomène s'échoue sur le sable de la connaissance. Nous sommes en terrain connu, dans notre zone de confort. On se sent du coup submergé par un sentiment de satisfaction et de plénitude, bien éphémère toutefois. En effet, la croyance, moment d'arrêt bienfaisant de la souffrance, a vite fait de nous engluer dans une léthargie où règne l'a-créativité. Plus besoin de créer, puisque nous savons. Il n'y a plus de lacunes à combler. Notre esprit est au repos. Et, alors, nous sombrons dans un ennui insoutenable.

Et puis le doute revient. Et ainsi de suite, ad infinitum. C'est de cette façon que l'être acquiert de nouveaux savoirs, de nouvelles expériences, qui finissent par définir sa perception du monde, en constant mouvement. C'est donc dans la nature humaine que d'être incapable de se fixer. S'installer dans la croyance, c'est mourir. Vivre dans le doute, c'est ne jamais vivre le bonheur.

Monsieur Z me maintient dans l'équation A. C'est pour ça que je souffre autant, que je me pose autant de questions. Mais d'un autre côté, dois-je avouer, je ressens une sorte de fébrilité qui m'anime du matin au soir, ne me laissant jamais de repos. Il y a quelque chose d'agréable au fait de ne pas savoir, de pouvoir construire, de pouvoir rêver, même si derrière cette excitation s'imprègne en permanence une souffrance diffuse.

D'un autre côté, même si je tends vers l'équation B, j'ai peur d'y arriver. Oui, j'ai peur de savoir, que tout s'arrête, j'ai peur qu'il n'y ait plus rien à chercher, à découvrir, à construire. Alors, je penserai avec nostalgie à l'époque où je pataugeais dans l'équation A.

Je voudrais rester suspendue entre A et B pour toujours.

dimanche 17 juin 2012

Courriels...

Je regarde beaucoup trop souvent ma boîte de réception.

Mais la plupart du temps, c'est une boîte de déception.

lundi 11 juin 2012

Aujourd'hui, en me promenant entre les boutiques kitschissimes de la Plaza St-Hubert, j'ai eu une révélation soudaine. Je ne sais pas si c'est le soleil qui surchauffait mon cerveau, mais voici:

J'ai une maladie. Je suis une amoureuse chronique. Et jamais je n'en guérirai. Quand j'aurai tourné la page avec cet amour imaginaire de Monsieur Z (ce qui ne risque pas de tarder s'il continue de s'enfermer dans son mutisme égocentrique), l'histoire se répétera avec un autre : mêmes signes, même construction mentale, même attente angoissée, même souffrance.

L'amour est une drogue pour moi. Autant que j'en souffre, autant qu'il me donne l'énergie nécessaire à chacun de mes gestes quotidiens. Il me rend plus légère. Il donne en sens vers lequel diriger mes pensées et mes actions.


L'histoire sans fin d'un "amour imaginaire", partie 2 : correspondance et cycle de coïncidences

Je vous avais dit que j'allais poursuivre cette longue histoire qui ne connaît pas de fin, du moins pas jusqu'à présent, de cette intense et douloureuse relation-obsession avec mon Monsieur Z.

Ainsi, après mon congédiement, tout a basculé. En fait, paradoxalement, cette mise à pied, au lieu de nous éloigner, comme je l'avais d'abord cru, nous a rapprochés, puisqu'elle nous a permis de nous connaître hors du contexte stérilisant et guindé de l'entreprise.

Je suis partie très rapidement de la boîte. On m'a convoquée en début d'après-midi, et on m'a dit que c'était ma dernière journée. J'ai rassemblé mes objets personnels et je suis partie le plus vite possible. Lui, il était en conférence. Je n'ai pas pu lui dire au revoir, j'ai laissé sur son bureau un mot avec mon adresse courriel, au cas où il voudrait garder contact. J'ai fait le pari que "peut-être que", sans trop d'attentes.

Le soir même, il m'avait écrit. Il se disait dégoûté par ma mise à pied, espérait que j'allais bien et m'encourageait en me disant qu'une personne talentueuse comme moi trouverait facilement autre chose. Ce qui n'est pas un compliment banal venant d'une personne qui me troublait à ce point et dont je croyais qu'elle me détestait, vous comprendrez.

À la fin de ma soirée de départ - j'avais quand même organisé un apéro histoire de dire au revoir convenablement à tout le monde -, tout le monde étant parti tôt, on s'est retrouvés, lui et moi, à terminer la soirée dans un bar du centre-ville. C'était comme si on s'était trouvés. Il s'est passé quelque chose. On s'est mis à parler comme si on s'était toujours connus. Je n'ai jamais vu la soirée passer; j'ai seulement su, à un moment, qu'il était 2 heures du matin.

Le problème, c’est qu’à plusieurs reprises, j’aurais voulu prendre sa main, toucher sa jambe de la mienne, me pencher et l’embrasser. Toute la soirée, j’ai dû maîtriser cette envie viscérale qui me tenaillait le ventre, me battre contre quelque chose de tellement plus fort que moi, quelque chose qui m’enivrait et dans quoi j’avais envie de me laisser aller. J'ai su que je n'avais pas fini de souffrir de sa présence, ou de son absence; dans tous les cas, je serais foutue.

Et puis, j'ai saisi son regard. Pour la première fois, j'ai pu m'accrocher à son regard, m'y plonger, le sonder. J'ai bien vu que ses yeux brillaient.Je garde le souvenir de ce regard comme de quelque chose de poignant, de vif, de troublant. À un autre moment, j'ai remarqué que nos jambes se touchaient sous la table. Était-ce voulu, que nos jambes se touchent, plus longtemps qu’il ne le faut ? S'en était-il aperçu ? Comme moi, la laissait-il là délibérément ?

Et puis, à la suite de cette soirée où je suis revenue complètement ébranlée chez moi, nous nous avons entamé une longue correspondance, échangeant nos passions, des pièces musicales, des impressions, des opinions. C'étaient de longues lettres, passionnées, traversées par le désir de connaître l'autre et de se livrer. J'avais l'impression d'avoir trouvé quelqu'un qui me correspondait.

Chaque fois, il m'envoyait une chanson dont les paroles pouvaient peut-être signifier quelque chose. Pouvaient peut-être signifier son désir pour moi. Mais comment savoir si là était son intention, ou bien si c'était une pure coïncidence ? Pour moi, évidemment, tout devenait hautement significatif. Dans chaque parole d'une chanson, j'essayais de percevoir un message, je m'y accrochais, je me disais que peut-être, en fait je me disais que c'était certain qu'il essayait de me communiquer quelque chose par le biais de ces liens. Ces petits signes ont fini par former tout mon univers. Et puis, mon imaginaire a fini par me décaler complètement de la réalité.

Je ne savais plus ce qui appartenait au hasard, à mon imaginaire, et à la réalité.

Gombrowicz, dans Comos, écrit : "Un tel détail à la limite du hasard et du non-hasard, pouvait-on savoir ? peut-être et peut-être pas, sa main s'était déplacée, peut-être avec intention, ou avec demi-intention, ou sans intention, fifty-fifty."

Avant ça, il écrit : "Ainsi cette coïncidence était en partie (oh, en partie!) provoquée par moi-même, et la confusion, la difficulté étaient justement que je ne pouvais jamais savoir dans quelle mesure j'étais moi-même l'auteur des combinaisons qui s'effectuaient autour de moi, ah, on se vite coupable !"

Perdue dans cette obsession, je fuyais mon couple qui battait de l'aile, compensait la douleur d'une relation en train de se mourir par celle, empreinte d'espoir et d'irréalité, d'un amour imaginaire.

Ne tenant plus cette situation, j'ai rassemblé mes maigres économie et je suis partie en voyage, espérant que l'éloignement allait m'apporter des réponses. Et il m'en a apporté.

Quand je suis revenue, les choses ont pris une autre direction.

Mais je vous raconterai la suite bientôt.  

dimanche 10 juin 2012

L'attente angoissée

Il me faut un remède contre cette attente angoissée, et vite.

Un médicament, un poison, une drogue, peu importe, je veux arrêter d'être tendue vers ce peut-être qui ne se concrétise jamais.

Je regarde mes courriels aux 10 minutes et je suis devenue complètement dysfonctionnelle. Je ne pense qu'à lui.

Impossible de rédiger mon travail de fin de session, de préparer mon entrevue de demain. C'est une névrose.

Je ne peux quand même pas ruiner les chances de ma vie pour un mec qui, lui, ne se préoccupe pas de me donner de nouvelles ? Qui, en ce moment même, par ce beau temps, doit probablement être en train de gambader joyeusement dans les rues de Montréal, entouré des plus belles filles du Quartier latin, sans même l'ombre d'une pensée pour moi ?

Il y a des jours où je voudrais m'endormir pour très longtemps, jusqu'à ce que ça passe.

jeudi 7 juin 2012

It was me on that road
But you couldn't see me
Too many lights out, but nowhere near here

It was me on that road
Still you couldn't see me
And the flashlights and explosions

Road's end getting nearer
We cover distance but not together
I am the storm, and I am the wonder
And the flashlights, nightmares, sudden explosions

I don't know what more to ask for
I was given just one wish

It's about you and the sun
A morning run
The story of my maker
What I have and what I ache for

I've got a golden ear
I cut and I spear
And what else is there?
Road's end getting nearer
We cover distance still not together

If I am the storm, if I am the wonder
Will I have flashlights, nightmares, sudden explosions?

I don't know what more to ask for
I was giving just one wish

Road's end getting nearer
We cover distance but not together
I am the storm and I am the wonder
And the flashlights, nightmares, sudden explosions

There is no room where I can go and
You've got secrets too

I don't know what more to ask for
I was given just one wish


mercredi 6 juin 2012

L'histoire sans fin d'un «amour imaginaire»

Ces temps-ci, mon esprit est complètement absorbé par une nouvelle relation amicale, ou un peu amoureuse (un peu de tout ça en même temps). Le problème, c'est que cette relation appartient à l'ordre de ce qu'on pourrait appeler un "amour imaginaire", entièrement érigé sur un objet de désir (comprendre "un homme irrémédiablement désirable") dont j'ai, consciemment et inconsciemment, alimenté l'importance. Appelons-le Monsieur Z.

Ma construction onirique - si intense, si obsessivement délicieuse - a fini par devenir une réalité. Une réalité douloureuse. et qui me torture aujourd'hui d'heure en heure.

Mais retournons au début de l'histoire. Jadis, dans mon époque pré-rupture, je travaillais au sein d'une entreprise cool et branchée du centre-ville. À mon arrivée, j'ai été présentée à toute l'équipe. C'est à ce moment que, tout en serrant la main de Monsieur Z, j'ai plongé pour la première fois mon regard dans le sien; dès lors, j'ai su que ces yeux étaient les prémices d'un problème de papillons dans le ventre, qui ne ferait que grossir.

C'est l’éclat indéfinissable de ses yeux. Quand il vous regarde, ses yeux brillent. Quand il vous regarde, il se passe quelque chose. C’est plus qu’un regard. C’est un univers qui s’offre. Des yeux bruns qui pétillent d’intelligence, d’espoir, de jeunesse, de quelque chose d’inaccessible, de profond, de si intime...

Troublée tout autant qu'investie dans une relation conjugale, j'ai dû trouver un moyen de conjurer ce sort qui ne pouvait que venir briser le fragile équilibre que constituaient tous les plans de ma vie. Alors, naturellement, ou je dirais plutôt instinctivement, je me suis mise à le détester. C'était réconfortant. Chacun de ses gestes était devenu un prétexte à ma haine. S'il oubliait de me dire bonjour. S'il me répondait vaguement. En fait, chaque fois qu'il me parlait, je puisais - dans son ton, dans ses paroles, dans son regard, dans son attitude - à tout coup une ressource me permettant d'attiser ma détestation. Mon problème était réglé. Je le détestais, il me détestait, du moins dans mon interprétation des choses.

La fascination était désamorcée.

Il faut reconnaître, cependant, que cette détestation précieusement entretenue était déjà le début d'une obsession. Mes amies l'ont vu bien avant moi. Elles savaient bien que Monsieur Z ne me laissait pas indifférente, même si je n'en parlais qu'avec mépris et exaspération. Le fait est que j'en parlais.

Je n'ai pas pu longtemps me conformer à ce schéma. Subrepticement, le désir a commencé à se manifester dans les interstices de ma haine.

Et j'ai dû me l'avouer. Depuis que j'étais arrivée dans cette boîte de merde, oui, disons les vraies choses, boîte de merde, il était l’unique soleil de mes journées. Je construisais autour de lui, sans m'en apercevoir, une histoire, une intrigue, qui remplissait le vide de mes journées grises. Une histoire fondée sur une relation que je croyais (voulais) faite de mépris, mais une histoire tout de même. J'attendais avec impatience le prochain signe qui allait me permettre de faire progresser ce récit imaginaire.

En vérité, il ne s’était pas passé un seul week-end sans que je rêve à lui. Sans que je rêve que j'étais dans ses bras, qu’il m’embrassait, m'écrasait sous son poids.

Regarder sa main suffisait pour provoquer en moi un trouble tel que je devais apprendre à me maîtriser. Quand il venait dans mon bureau et se penchait au-dessus de moi, pour m’expliquer, pour me montrer un projet, j'aurais voulu attraper sa main déposée sur la souris de l'ordinateur. J'aurais voulu la toucher, la presser, la caresser, la sentir, et ensuite appuyer doucement mes lèvres sur son cou, qui sentait si bon. Me laisser porter par l’ivresse de son parfum et de sa chaleur. J’aurais voulu, lorsque je l’ai croisé dans le long couloir, qu’il me saisisse par les hanches, qu’il me colle contre le mur de briques rugueux, et qu’il m’embrasse, qu’il m’embrasse avec force, qu’il m’embrasse pour que je me sente exister. Je lui aurais tout donné.

Et puis, alors, à la suite de mon congédiement, tout a basculé.

La suite dans un prochain billet.